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JO de Pékin : pourquoi ce boycott des États-Unis ?

JO de Pékin : pourquoi ce boycott des États-Unis ?

Les prochains Jeux Olympiques d’Hiver se dérouleront à Pékin en février 2022. Plusieurs États souhaitent déjà « boycotter » cette édition dans un pays qui ne respecte pas les droits de l’Homme.

C’est officiel : depuis le 19 octobre 2021, date de la cérémonie d’allumage de la flamme olympique à Athènes, Pékin organisera les 24èmes Jeux Olympiques d’Hiver, devenant ainsi la première ville au monde à accueillir les deux compétitions (après les Jeux d’Été en 2008). Une décision qui ne convient pas à certains pays, comme les États-Unis, souhaitant un boycott diplomatique de ces Jeux. Pourquoi ?

Le génocide des Ouïghours

Dans la province du Xinjiang, au Nord-Ouest du pays, vivent les Ouïghours, peuple turcophone musulman sunnite composé d’environ 12 millions de personnes. Ils seraient présents dans la région depuis des centaines, voire des milliers d’années. Ils font partie de l’une des 56 ethnies chinoises. Parmi elles, une est majoritaire : l’ethnie Han. Ils représentent, à eux seuls, environ 90% de la population totale du pays. Les 10% restants sont partagés entre les 55 autres ethnies. La plupart se sont sinisées : elles se sont intégrées en Chine et ne revendiquent pas trop leur identité culturelle. Mais d’autres, comme les Ouïghours, les Mongols ou les Tibétains, sont au contraire très attachés à leurs passés culturels et à leurs identités ethniques.

Depuis 1949, avec l’arrivée des communistes au pouvoir, les Ouïghours sont victimes de discriminations et passent de 80% de la population du Xinjiang à 50% aujourd’hui. Pendant la Révolution Culturelle (de 1966 à 1976) sous Mao Zedong, une politique d’assimilation très dure a été mise en place.

“On forçait les Ouïghours à manger du porc pour qu’ils abandonnent leur culture traditionnelle comme on forçait les Tibétains à manger et cultiver du riz…” Jean-Philippe Béja, sinologue.

Certains spécialistes appellent ce processus « colonisation intérieure ». En juillet 2009, la colère des Ouïghours se fait entendre et de violentes émeutes contre des Hans éclatent, ces derniers ayant attaqué des Ouïghours après la rumeur d’un viol. Au moins deux d’entre eux furent tués. À partir de ces évènements, le Gouvernement Chinois déclara que les Ouïghours étaient des terroristes et qu’il fallait éradiquer le terrorisme.

Depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping en 2012, leur situation s’est fortement dégradée. Ceux-ci ne peuvent plus aller à la mosquée ou en pèlerinage à la Mecque, les prénoms islamiques ou turcs sont interdits, les enfants sont enlevés et placés dans des orphelinats pour être éduqués à la manière du Parti Communiste chinois… À partir de 2017, les Ouïghours sont envoyés dans des camps d’internement (ou « camps de rééducation » selon les autorités chinoises).

Les Chinois sont très doués pour cacher les chiffres, mais on parle d’au moins un million de Ouïghours, soit un dixième de la population, qui serait passé par des camps. Mais c’est peut-être beaucoup plus.

Marie Holzman, sinologue et présidente de l’association Solidarité Chine

Certains rescapés de ces camps témoignent dans les médias : « Les gens, dans ces camps de concentration, attendent de savoir quelle direction ils vont prendre parmi celles-ci : mourir, devenir fou ou perdre la santé« , déclarait Sayragul Sauytbay en mai à France Info. « Là-bas, nous manquions de sommeil, nous manquions de nourriture. Il y avait beaucoup de torture physique dans ces camps. […] Nous entendions des cris, partout. »

Une enquête d’Amnesty International a démontré que les anciens détenus ont été soumis à de la torture physique ou psychologique (décharges électriques, exposition à des températures extrêmement basses, privation de sommeil, suspension à un mur…). À cela s’ajoute une haute surveillance, même lorsqu’ils mangent, dorment ou vont aux toilettes. Ils doivent parler en chinois mandarin et sont physiquement punis s’ils ne le font pas. Enfin, ils assistent à des cours d’éducation politique, dans lesquels sont expliqués les méfaits de l’islam, la puissance et la bienveillance de la Chine, du Parti et de Xi Jinping, mémorisent et récitent des chants révolutionnaires en faveur du Parti et écrivent même des lettres d’aveux pour avouer leurs « crimes » et remercier l’État Chinois pour l’éducation qu’il leur offre.

De plus, hommes, femmes ou enfants seraient parfois transférés dans des usines et travailleraient pour de grandes entreprises occidentales. 83 grandes marques seraient accusées de les faire travailler ainsi, dans divers domaines : l’électronique, l’automobile, le textile… parmi elles, Apple, Google, Volkswagen, Nike, Samsung, H&M, Zara, BMW, Lacoste… ainsi que des marques chinoises : Lenovo, Xiaomi ou encore Huawei.

Un boycott qui rappelle des souvenirs

Ce n’est donc pas la première fois que Pékin, capitale chinoise, organise les Jeux Olympiques. En 2008, les Jeux d’Été s’y étaient déjà déroulés… et avaient déjà créés des tensions diplomatiques, sur un autre sujet cette fois-ci : les répressions au Tibet. Le Président du Parlement Européen avait alors boycotté les Jeux.

Aujourd’hui, ce sont les États-Unis qui boycottent Pékin 2022 : les athlètes seront bien présents, mais aucun représentant diplomatique ne s’y rendra. Jen Psaki, porte-parole du Gouvernement Américain, a déclaré que s’ils y allaient, « la représentation diplomatique américaine traiterait ces Jeux comme si de rien n’était, malgré les violations flagrantes des droits humains et les atrocités de la Chine au Xinjiang. Nous ne pouvons tout simplement pas faire cela« . La Maison Blanche qualifie ces actes de génocide.

« L’administration a raison de refuser une présence diplomatique aux Jeux olympiques de Pékin : L’Amérique ne fermera pas les yeux sur la prédation, la persécution et le génocide de la Chine. » Mitt Romney est sénateur. (traduction)

Peu de temps avant cette annonce officielle, Pékin avait annoncé que « si les Etats-Unis [voulaient] à tout prix faire les choses à leur manière, la Chine [prendrait] des contre-mesures fermes« . Le Royaume-Uni, le Canada et l’Australie ont eux aussi annoncé un boycott diplomatique. Ils « paieront le prix » de leur décision, a averti Wang Webin, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.

Enfin, la France a annoncé ne pas suivre le mouvement : Emmanuel Macron affirme qu’un boycott diplomatique serait une mesure « toute petite et symbolique« .

Pour découvrir la liste complète des entreprises faisant travailler des Ouïghours : https://www.marianne.net/monde/apple-nike-bmw-alstom-lacoste-83-grandes-marques-liees-au-travail-force-des-ouighours-en-chine