La Chine mène une stratégie différente des autres pays pour lutter contre la pandémie : le « Zéro Covid ». Est-ce la bonne solution, et pourra-t-elle la maintenir avec l’émergence d’Omicron et des Jeux Olympiques de février ?
Retour en arrière : le 11 janvier 2020, la Chine annonçait le premier décès d’une pneumonie alors inconnue, qui allait entraîner une épidémie dans la ville de Wuhan… et ailleurs dans le monde. Deux mois plus tard, le 11 mars, l’Organisation Mondiale de la Santé parle de pandémie, et demande alors aux gouvernements des mesures de protection essentielles – nos fameux « gestes barrière », qui nous accompagnent maintenant depuis près de deux ans. Port du masque à l’intérieur ou à l’extérieur, gel hydroalcoolique à tout-va, tests PCR… sans oublier les fameux confinements, qui ont bien marqué les esprits, une grande partie des pays s’organisent pour lutter contre le virus. Une chose est sûre : il ne s’agira pas d’une simple « gripette », comme le pensaient certains, dont le fameux docteur Michel Cymès en novembre 2020.
Des mesures fortes
Et qu’en est-il de la Chine, pays d’origine du Covid ? Assez rapidement, le 20 janvier 2020, Xi Jinping, président chinois, déclare une « mobilisation générale » pour lutter contre le « diable ». Trois jours plus tard, Wuhan et une partie de sa province (le Hubei) sont confinés et des médecins militaires y sont envoyés, les déplacements dans le pays sont limités et les usines doivent rester fermées ou se reconvertir dans la fabrication de masques notamment. Des mesures assez fortes pour lutter contre la pandémie !
Le Gouvernement Chinois a notamment développé une application sur smartphone, basée sur un système de code couleur (vert, jaune, rouge), qui indique à l’utilisateur s’il peut se déplacer librement (vert), s’il doit rester chez soi pendant quelques jours (jaune) ou se confiner pendant deux semaines (rouge), utilisant, comme « Tous Anti Covid », les déplacements et les contacts entre personnes. Mais selon une étude du New York Times, ces données sont toutes envoyées directement à la police dans le dos des utilisateurs, avec les informations entrées, comme le nom, l’âge, le sexe ou encore le lieu de vie, ainsi que l’historique des déplacements. La police peut donc suivre les utilisateurs en temps réel ! Pour Maya Yang, chercheuse à Human Rights Watch Chine, le Gouvernement Chinois utilise souvent des évènements importants, comme les Jeux Olympiques de 2008, pour introduire de nouveaux outils de surveillance qui continuent ensuite d’être actifs…
Ailleurs dans le pays, des caméras à reconnaissance faciale ont été installées, notamment à Ruili (à la frontière de la Birmanie), afin de « surveiller les habitants à la sortie des résidences, dans les supermarchés, ou encore dans les lieux fréquentés ». Cette lutte contre le Covid s’accompagne donc d’une surveillance accrue des citoyens par le Gouvernement Chinois.
Mais alors, a-t-elle été efficace ? La réponse semble être oui : d’après Deep Knowledge Group, mi 2020, la Chine était à la 7ème position dans les pays les plus sûrs et ayant eu la meilleure réaction face au Covid, derrière l’Autriche (6ème) ou le Japon (5ème). Le premier pays étant (à ce moment là, les statistiques ayant pu évoluer depuis) la Suisse, suivie par l’Allemagne. A titre de comparaison, la France était placée 60ème sur 200 pays !
En regardant les chiffres de janvier à novembre 2020, sur un million d’habitants, le Covid a causé la mort de 911 Belges, 668 Américains et… 3,5 Chinois, avec 90 000 cas et 4700 décès. Le Président Xi Jinping s’en est vanté : pour lui, la Chine avait alors vaincu l’épidémie, et pouvait servir d’exemple au monde entier ! D’après lui, le socialisme chinois aurait permis de traverser cette crise sanitaire face à laquelle les démocraties occidentales seraient impuissantes.
Le « Zéro Covid »
Cette stratégie, c’est celle du « Zéro Covid » : éliminer le virus plutôt que vivre avec, tel est le credo du Gouvernement Chinois. Une stratégie qui avait d’ailleurs été appliquée par d’autres pays comme l’Australie ou la Nouvelle-Zélande au début de la pandémie. Mais après l’un des plus longs confinements au monde pour la ville de Melbourne en Australie notamment et l’arrivée de la vaccination, cette stratégie commence à montrer ses limites : ainsi, ces pays ont finalement renoncé au « Zéro Covid ».
A ce jour, la Chine et Taïwan restent les seuls pays à maintenir cette stratégie, et l’Empire du Milieu n’a pas l’air de vouloir changer. Des mesures draconiennes sont donc appliquées dans tout le pays, et ne pas respecter ces règles sanitaires peut être puni d’une humiliation publique.
Dans le Nord-Est du pays, dans la ville de Zuanghe, tous les feux de signalisation sont passés au rouge, interdisant aux habitants de circuler et confinant la population. Dans le Sud-Ouest, à Chengdu, 82 000 personnes ont été dites « cas contact »… la cause ? Elles auraient côtoyé un malade parfois à un kilomètre de distance, d’après le traçage de leur téléphone portable. Une douzaine d’habitants risquent également jusqu’à sept ans de prison pour avoir fui une zone confinée. A Xi’an, 13 millions d’habitants sont confinés depuis le 22 décembre, avec trois ravitaillements en nourriture par semaine – insuffisant pour une grande partie d’entre eux, qui dénoncent un manque de nourriture. Enfin, à Shanghaï, des clients d’un magasin sont restés bloqués 24 heures à l’intérieur après le signalement d’un cas, afin de tester tout le monde. La Chine ne plaisante pas avec la lutte contre le Covid.
Aujourd’hui, de nombreux pays connaissent une explosion des cas de Covid, notamment avec l’apparition du nouveau variant Omicron. En moyenne, on dénombre 297 000 nouveaux cas quotidiens en France, qui est, selon le site Graphics Reuters, à son pic de contaminations… et qui continue d’augmenter !
La Chine, quant à elle, dénombre seulement 184 nouvelles contaminations par jour. 4 636 décès sont à déplorer depuis mars 2020, tandis que la France en compte 126 869 ! Des mesures fortes, mais qui ont l’air de marcher, donc. Sauf que d’après des experts interrogés par le New York Times, ces restrictions pourraient avoir des impacts sur l’économie du pays, qui décroît déjà. Le pays s’isole également, car les frontières sont fermées à une grande partie des visiteurs étrangers.
Omicron, grain de sable de cette machine bien huilée ?
Mais l’Empire du Milieu pourrait bien avoir des difficultés à contrer le nouveau variant Omicron, qui suscite un fort rebond épidémique. La stratégie du « Zéro Covid » pourrait bien être difficile à poursuivre pour le Gouvernement Chinois : Pékin organise les prochains Jeux Olympiques d’Hiver, qui débuteront le 4 février 2022… et Tianjin, à 100km de la capitale, a été touchée par des cas de Covid-19 ! Sans compter que le vaccin chinois Sinovac, proposé dans le pays, protège peu du variant Omicron… son efficacité serait de seulement 35% avec deux doses ! Et le pays n’autorise que des vaccins nationaux : pas d’ARN Messager, ni de Pfizer ou de Moderna.
La recette du Gouvernement en cas de foyers épidémiques est donc de tester massivement et confiner des milliers, voire même des millions de personnes. On estime qu’au 15 janvier, 19 millions de Chinois étaient en quarantaine totale. Cela marchera-t-il pour organiser les prochains Jeux Olympiques, alors qu’Omicron a été détecté ce samedi 15 janvier à Pékin ?
« Les autorités sont très inquiètes car elles ont conscience du danger Omicron […] Si la situation s’aggrave comme en Europe, les autorités pourraient aller jusqu’à fermer le pays pendant un mois ou deux pour échapper à la vague Omicron, mais peut-être pas avant les JO de Pékin.«
Propos d’un diplomate européen basé à Pékin
Une organisation spécifique est préparée : les athlètes, les délégations et les médias seront en « circuit fermé » dans des hôtels, sites et véhicules dédiés. Pour les non-vaccinés, il faudra faire une quarantaine de trois semaines, et les vaccinés seront quand même très surveillés. Aucun billet n’a pour l’instant été mis en vente, une compétition à huis clos est donc possible.
Le Gouvernement a tout intérêt de garder le nombre de contaminations proche de zéro pour continuer de prouver la supériorité du système face aux systèmes européens. Pour Xi Jinping, « la Chine est prête« .