Le discret ancien sénateur Joël Guerriau est au cœur d’accusations graves, soupçonné d’avoir drogué à l’ecstasy la députée MoDem Sandrine Josso. Le sénateur a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire, soulevant désormais d’importantes questions : s’agit-il d’un incident isolé ou bien est-ce le symptôme d’une classe politique déviante ?
Que s’est-il passé dans l’appartement du sénateur ?
Nous sommes le 14 novembre. La députée Sandrine Josso rejoint le sénateur Horizons Joël Guerriau à son domicile. Les deux entretiennent des liens d’amitié et sont élus du même département de la Loire-Atlantique. Les événements se déroulent dans le 6e arrondissement de Paris, dans le cadre de festivités liées à la réélection du sénateur en septembre dernier.
En pleine soirée, alors qu’ils partagent une coupe de champagne, Sandrine Josso se sent au bord du malaise. Elle dit ensuite avoir aperçu le sénateur ranger un sachet au contenu blanc dans un tiroir, souligne l’avocate de Sandrine Josso, maître Julia Minkowski.
« Elle a compris qu’il était en train de la droguer à son insu »
Maître Julia Minkowski, avocate de Sandrine Josso
Elle réalise à ce moment-là qu’elle est en train d’être droguée et qu’elle est victime d’un « guet-apens ». Toujours selon son avocate, et malgré la terreur, la députée déploie toutes ses forces physiques pour s’extirper de cette situation.
De l’ecstasy retrouvé dans son organisme
Conduite à l’hôpital, Sandrine Josso est examinée et la présence d’ecstasy est détectée dans son organisme. L’ecstasy, drogue susceptible d’induire une augmentation de l’euphorie et de la sociabilité, est souvent utilisée pour faciliter des agressions ou des actes criminels en exploitant la vulnérabilité des victimes. Cette substance a également été retrouvée lors d’une perquisition au domicile du sénateur Joël Guerriau.
Suite à cette découverte, il a été interpellé, placé en garde à vue, puis soumis à un contrôle judiciaire pour « administration à une personne, à son insu, d’une substance de nature à altérer son discernement ou le contrôle de ses actes, afin de commettre un viol ou une agression sexuelle ».
« Il ne savait pas que c’était de l’ecstasy.
Rémi-Pierre Drai, avocat de Joël Guerriau
Dans la foulée, le 18 novembre, il est suspendu de son parti et de son groupe parlementaire, avec une possible exclusion définitive. Le président du Sénat, Gérard Larcher, a également demandé au sénateur de mettre en pause ses activités au Sénat.
Pour sa défense, Joël Guerriau évoque une « erreur de manipulation » en affirmant qu’« il ne savait pas que c’était de l’ecstasy », selon les dires de son avocat, qui amoindrit la situation. « Il ne va pas se suicider, il ne va pas s’expatrier, il ne va pas partir au bagne. Il doit montrer aux autres qu’il n’a rien à se reprocher », défend l’avocat.
Le côté sombre de la politique ?
C’est la première fois dans l’histoire politique française qu’un tel incident est révélé publiquement. Malgré cela, la classe politique a toujours été secouée par des affaires judiciaires. De l’affaire du Sofitel de New York impliquant Dominique Strauss-Kahn en 2011 à aujourd’hui avec la première mise en cause d’un garde des Sceaux en exercice, Éric Dupond-Moretti, jugé devant l’Inspection générale de la Justice.
La liste est longue aussi, en ce qui concerne les violences faites aux femmes. Des accusations de viol et de harcèlement envers le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin – qui aboutiront à un non-lieu – à l’affaire Quatennens, député de La France Insoumise, condamné pour violences conjugales. Ces affaires à répétition ont un impact sur l’opinion publique, générant une méfiance croissante envers les politiques au cours de ces dernières années.
Comment ces affaires bouleversent la société ?
Un MeToo politique s’est également développé depuis l’affaire Weinstein. Toutes ces affaires qui concernent les violences sexuelles nous renseignent sur notre manière d’aborder et de traiter ces problématiques. Ces éléments nous informent également sur la façon dont nos institutions judiciaires gèrent ces affaires, ainsi que sur la manière dont les partis politiques les abordent.
C’est toute une société qui a vu son regard évoluer vis-à-vis de la culture du viol, et c’est cette même pression publique qui interroge désormais la manière dont les hommes politiques accusés de violences envers les femmes sont jugés, qu’ils soient condamnés ou non.
Le fait que des centaines de femmes signent des tribunes pour demander la démission de personnalités prouve bien que les mentalités évoluent, et qu’aujourd’hui les politiques sont soumis à la pression du public.