Près d’un million de morts en seulement trois mois. C’est le lourd bilan du génocide du Rwanda qui s’est déroulé d’avril à juillet 1994. Dans une violence inouïe, les Hutus ont massacré les Tutsis sous l’œil immobile de la communauté internationale. 30 ans après, il est important de se souvenir et de reconstruire la mémoire du peuple rwandais.
Une Guerre civile entre peuples
En 1960, le Rwanda obtient son indépendance et se libère de la tutelle belge. Cependant, il existe des divisions ethniques au sein du pays : les Hutus (qui représentent 85 % de la population) et les Tutsis (seulement 14%). Les Tutsis ayant été favorisés durant la colonisation car leur peau était plus claire, ils ont eu un accès à l’éducation qui leur a permis d’être à la tête de l’ordre politique et économique. Ceci a créé une forte rancune au cœur des esprits chez les Hutus. Ainsi, dès 1990, une guerre civile éclate au Rwanda opposant ces deux peuples. Suite à l’assassinat du président hutu en 1994, la guerre civile prend un nouveau tournant tragique : entre le 7 avril et le 17 juillet 1994, les extrémistes hutus au pouvoir mènent un génocide qui fera près d’1 million de morts, soit 15 % de la population.
Un génocide rapide et violent
Ce qui fait la particularité du génocide au Rwanda est sa rapidité, mais également sa violence. Les meurtres sont réalisés avec des outils du quotidien (des faux, des machettes) et réalisés dans des endroits fréquentés de tous (sur le pas de la porte, dans les églises). Certains historiens tels qu’Hélène Dumas et Stéphane Audouin-Rouzeau qualifient ainsi ce génocide de « génocide de voisinage ». Les historiens montrent également la jouissance que les hutus ont eu à tuer, célébrant leurs massacres autour de banquets. Des sociologues l’expliqueront par la haine accumulée et l’embrigadement de toute la communauté hutue.
Le Rwanda, abandonné par la communauté internationale ?
Après l’horreur de la Seconde Guerre mondiale, la communauté internationale s’était promis d’instaurer une paix perpétuelle. Cependant, l’ONU n’a pas réussi à stopper le génocide rwandais. Dans un communiqué de presse d’avril 2000, le Président de la Commission d’enquête indépendante sur les actions des Nations Unies lors du génocide au Rwanda, affirmait que l’ONU avait « la responsabilité d’agir » et n’a « pas su le faire ».
En effet, de nombreux pays ont été plus ou moins acteurs du génocide par une coopération militaire. C’est le cas de la Belgique, de la France, de l’Ouganda ou encore d’Israël. En 2016, la Cour Suprême israélienne décidait ainsi que les archives des ventes d’armes d’Israël au Rwanda resteraient scellées et dissimulées au public, afin de ne pas nuire à sa sécurité et à ses relations internationales. Les États-Unis, quant à eux, ont tenté de minimiser la situation et de réduire l’utilisation du terme génocide afin de rapatrier les Casques bleus, l’armée de l’ONU.
Des suites judiciaires au génocide
En novembre 1994, l’ONU met en place le tribunal pénal international du Rwanda à Arusha, en Tanzanie. Le but est de juger les principaux responsables du génocide. Cependant, le bilan pour le Rwanda est très nuancé : seules 75 personnes sont jugées en 20 ans. De plus, le tribunal est très critiqué puisqu’il ne prendrait pas en compte la réalité du génocide, les actes commis étant souvent isolés. Une fois de plus, l’ONU apparaît inutile pour le Rwanda.
Ainsi, en 2001, le Rwanda met en place les tribunaux Gacaca (littéralement justice sur le gazon) dans le but d’aller plus vite que le tribunal pénal international. Ce sont des tribunaux villageois avec des juges non professionnels, désignés par un comité local. Les tribunaux locaux vont permettre de juger 2 millions de personnes dont 65% seront condamnées.
Des tentatives pour réparer la mémoire
Aujourd’hui, certaines personnes parlent de « miracle rwandais », en 30 ans, le pays est passé d’un état déchiré à un pays politiquement stable et apaisé.
Jeudi 4 avril 2024, en amont du 30ème anniversaire du début des massacres, le président français, Emmanuel Macron a estimé que la France « aurait pu arrêter le génocide ». L’Elysée a fait savoir à l’AFP que le chef d’Etat rappellerai dans un discours que « quand la phase d’extermination totale contre les Tutsis a commencé, la communauté internationale avait les moyens de savoir et d’agir, par sa connaissance des génocides que nous avaient révélé les survivants Arméniens et ceux de la Shoah, et que la France, qui aurait pu arrêter le génocide avec ses alliés occidentaux et africains, n’en a pas eu la volonté ».
Finalement, dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux le dimanche 7 avril, le Président de la République a affirmé qu’il n’avait « aucun mot à ajouter » à ce qu’il avait dit en 2021. Il y a 3 ans, il avait reconnu les « responsabilités » de la France. Il avait par ailleurs précisé que Paris n’avait « pas été complice » des génocidaires hutus, et n’avait pas présenté d’excuses.