Des séries documentaires aux livres en passant par les podcasts, ces récits de véritables affaires criminelles captivent des millions de personnes à travers le monde. Mais comment expliquer le succès du true crime ?
Origines et définitions
Le true crime est un genre médiatique de docufiction qui s’intéresse aux crimes et aux faits divers, ces derniers ayant une portée plus large que les true crimes. Le dictionnaire Larousse définit le terme « fait divers » comme « un événement sans portée générale qui appartient à la vie quotidienne ».
Ian Punnett, dans l’ouvrage Toward a Theory of True Crime Narratives (2018) définit le true crime comme étant « un genre de mise en récit multiplateforme, parfois controversé qui est le plus souvent associé aux histoires de meurtres et qui partage un ancêtre commun avec le journalisme mais qui a toujours répondu à un besoin différent ».
Si c’est l’écrivain américain Truman Capote qui a popularisé ce genre en 1966 avec le roman In Cold Blood, inspiré d’un meurtre véridique minutieusement rapporté, le true crime s’est imposé au fil des années et connaît, à partir des années 2010, une explosion des productions.
Catharsis et curiosité : les ressorts psychologiques du true crime
L’être humain est naturellement porté à chercher du sens dans les événements qui l’entourent. Les affaires criminelles, par leur caractère exceptionnel et souvent tragique, viennent troubler notre quête de rationalité. Roland Barthes, dans ses Essais Critiques (1964), parle du « trouble de la causalité » pour décrire cette sensation de déséquilibre face à un événement qui ne répond pas aux lois habituelles de la cause à l’effet.
Ces sentiments sont encore plus forts lorsque les évènements se produisent dans un environnement proche du nôtre, contrairement aux scénarios souvent éloignés de notre réalité dans les films d’horreur. Les true crimes se trouvent ainsi à mi-chemin entre travail journalistique, récit et principes scénaristiques. En journalisme, la loi de proximité est le principe suivant lequel les informations ont plus ou moins d’importance suivant leur proximité par rapport au lecteur. Pour ce qui est de la proximité géographique, on parle également de mort kilométrique, notamment dans le domaine des faits divers. Ce sentiment de proximité et de familiarité participe aussi au succès de ce genre médiatique.
Au-delà du sentiment de curiosité que cela procure, les true crimes répondent à un besoin plus profond : celui de ressentir des émotions fortes. Aristote, dans sa Poétique, évoque l’idée de catharsis, c’est-à-dire la purification de nos émotions par une représentation dramatique. En suivant ces histoires, nous vivons par procuration des expériences intenses qui peuvent nous aider à mieux comprendre nos propres émotions.
Vers une banalisation de la violence ?
En présentant des histoires de crimes sous forme de divertissement, les plateformes et productions médiatiques répondent à une demande du public tout en renforçant cette culture de la violence. Le succès du true crime soulève de nombreuses questions éthiques. La recherche du sensationnalisme peut mener à des mise en scène du réel dérangeantes.
Au-delà de l’aspect voyeuriste, le true crime peut être un outil précieux pour analyser notre société. Dans l’étude suédoise The Politics of True Crime: Vulnerability and Documentaries on Murder in Swedish Public Service Radio’s P3 Documentary de Hyvönen (2020), Karlsson et Eriksson montrent par exemple qu’il y une surreprésentation des femmes dans les récits criminels. Il est intéressant de noter que la majorité de l’audience du true crime est également féminine. Cette surreprésentation s’explique par le fait que les femmes se sentent plus vulnérables et que les récits de crimes jouent sur cette peur. La peur est ainsi instrumentalisée pour attirer un public spécifique.
En conclusion, la fascination pour le true crime est un phénomène psychologique et social propre aux sociétés contemporaines mais elle soulève des questions éthiques importantes. Il est essentiel de consommer ce genre de contenu de manière critique, en préservant la frontière entre la sphère médiatique et juridique, ainsi qu’en gardant à l’esprit les enjeux humains qui se cachent derrière chaque histoire.