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Climat : Les programmes d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen passés à la loupe

Climat : Les programmes d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen passés à la loupe

Le dernier rapport des experts de l’ONU pour le climat (Giec) a mis en avant la nécessité d’agir dans les toutes prochaines années pour espérer contenir le réchauffement climatique. Alors que plusieurs associations et organisations de défense de l’environnement regrettent la faiblesse des programmes des deux finalistes de la présidentielle sur la question climatique, AR1 vous propose de décortiquer les programmes des deux finalistes sur ce même thème.

Le paradoxe est cinglant. Trois rapports alarmistes du Giec, une conférence des Nations Unies sur le climat à Glasgow, des records de chaleurs généralisés sur la planète, des inondations monstres en Belgique et en Allemagne … L’année écoulée aura rappelé comme rarement l’imminence du péril climatique. Dimanche 10 avril, l’écologie politique et ses deux candidats revendiqués, Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot, se sont une nouvelle fois vu éliminé pour le second tour.

Le prochain quinquennat sera crucial pour la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris sur le climat et pourtant Greenpeace fait un constat cinglant sur Twitter. Pour l’organisation, « les résultats du premier tour de l’élection présidentielle 2022 sont une défaite pour le climat et plus largement pour l’environnement ». Le président sortant Emmanuel Macron et la représentante du Rassemblement national Marine Le Pen, n’ont ainsi pas convaincu les défenseurs de l’environnement et militants contre le changement climatique dans leur capacité à appliquer les réformes nécessaires pour atteindre ces objectifs, c’est à dire, pour la France, une réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 par rapport à leur niveau de 1990.

Sous la prochaine mandature, la France va plancher sur la première loi de programmation quinquennale sur l’énergie et le climat (LPEC), pour fixer les priorités des politiques climatiques et énergétiques du pays. Avec une ambition européenne relevée à 55 % de réductions d’émissions d’ici à 2030, la France devra vraisemblablement accélérer son propre rythme. Réseau Action Climat estime, pourtant, qu’« aucune mesure allant dans le sens d’un verdissement du budget de l’État n’est avancée » et déplore sa volonté de pérenniser la baisse des impôts de production liée au plan de relance post-covid, « toujours sans contrepartie environnementales ou sociales ».

Des programmes diamétralement opposés sur l’écologie

Le président-candidat a affirmé, lors d’un meeting à Marseille, vouloir « aller plus vite » en matière d’énergie et de transition. Il a indiqué que son Premier ministre serait directement chargé de guider la politique climatique. Emmanuel Macron veut également renforcer la production de voitures électriques et hybrides et les proposer à des prix abordables, et aussi accélérer le déploiement de ces énergies renouvelables et notamment éoliennes.

Emmanuel Macron table aussi sur « la multiplication par 10 de notre puissance solaire ». L’institut I4CE, qui a interrogé les candidats sur le budget qu’ils consacreront à la transition écologique, considère dans une note toutefois que le programme d’Emmanuel Macron « ne contient pas de mesures fiscales et très peu de mesures réglementaires pour inciter les ménages et les entreprises à investir pour le climat ». Enfin, s’il souhaite “mieux assurer le recueil des animaux de compagnie abandonnés”, Emmanuel Macron ne cache pas sa proximité avec les lobbies de la chasse.

Marine Le Pen assure, de son côté, que « c’est le modèle économique fondé sur le libre-échange qui est responsable des émissions de gaz à effet de serre ». Ainsi, la candidate du RN indique avoir construit son programme sur « la relocalisation » pour favoriser la consommation de proximité et limiter la pollution engendrée par les déplacements. Elle a ajouté, lors du débat d’entre-deux-tours, vouloir que « des produits français [soient] servis dans les cantines de notre pays », une mesure « primordiale », selon elle. Dans le même temps, elle a dénoncé les techniques d’abattage pratiquées en France et les émissions de gaz à effet de serre entraînées par le transport des bêtes. Marine Le Pen défend une transition énergétique à laquelle « les Français pourront faire face », selon elle. Elle souhaite en effet choisir chaque année son objectif de réduction d’émissions carbone, en fonction des autres pays, de la volonté des Français et de leur qualité de vie.

« Le modèle économique est à remettre en cause »

Marine Le Pen

Dans son livret programme sur l’écologie, Marine Le Pen affirme ainsi que « la France répondra aux engagements de l’Accord de Paris, par les moyens qu’elle aura choisis, au rythme et selon les étapes dont elle aura décidé ». L’une de ses mesures phares est un « moratoire » sur les éoliennes et le photovoltaïque, en plus de démanteler les sites éoliens existants, préférant tabler côté renouvelable sur l’hydroélectricité et la géothermie. Pour lutter contre la précarité, elle défend « la détaxation partielle de la taxe sur les carburants », une mesure « carrément contre-productive » pour la transformation du système de transports, selon Greenpeace France. The Shift Project souligne aussi que les capacités avancées par Marine Le Pen ne sont pas réalistes par rapport aux prévisions de l’industrie d’ici à 2050.

Divergence autour du nucléaire et de l’éolien

Toute stratégie de sortie des énergies fossiles doit être très solide sur l’emploi, l’équité, la sobriété et la gouvernance. Si les deux candidats ont compris que la transition énergétique était nécessaire – un levier pour l’économie -, leurs avis divergent encore sur son application concrète et sur l’utilisation du secteur éolien et nucléaire. Ce dernier est une source majeure d’électricité en France, c’est environ 67 % de la production totale en 2020, selon RTE. Convernant le secteur éolien, la France est actuellement dotée de 8 000 mâts, sur terre comme sur mer, qui produisent 8 % de la production d’électricité globale.

« L’éolien est le pire », a assuré Marine Le Pen ce mercredi, dénonçant au passage le revirement de politique du président sortant face au nucléaire, alors qu’il a œuvré pour la fermeture de la centrale de Fessenheim lors de son mandat. Marine Le Pen avait annoncé que, si elle était élue, elle demanderait un moratoire sur le démantèlement de Fessenheim. À l’arrêt depuis deux ans, il faudrait, toutefois, plusieurs années pour mettre la centrale aux normes et relancer la production. Aujourd’hui, les candidats misent tous les deux sur la relance de la filière du nucléaire, à des niveaux différents. Parenthèse refermée, ainsi, Emmanuel Macron a regretté la volonté de Marine Le Pen de démanteler progressivement les parcs éoliens existants, qui présentent « un trouble » pour les Français, selon les explications de la candidate RN. En la matière, le président sortant privilégie, lui, un “déploiement massif” de mâts en mer.

« Le seul moyen de répondre aux défis climatiques est de combiner le renouvelable et le nucléaire », a pointé Emmanuel Macron lors du débat de l’entre deux tours, par ailleurs. Face à lui, Marine Le Pen a défendu « une énergie verte faite grâce au nucléaire ». Sur ce dernier, début 2022, le président sortant a initié la construction de six nouveaux EPR d’ici 2050 (avec 8 en option). Emmanuel Macron a aussi demandé la prolongation de la durée de vie de “tous les réacteurs qui peuvent l’être” (au-delà de 50 ans). Marine Le Pen souhaite aussi lancer “la construction de trois nouveaux EPR”. Les installations déjà en place seront, elles, révisées et modernisées au besoin.

Baisse des émissions de CO2 : pas assez de mesures concrètes et rapides

Pour Emmanuel Macron, les ambitions sont grandes mais très éloignées dans le temps. Il vise la neutralité carbone en 2050 pour la France. Une échéance lointaine alors que le GIEC a indiqué qu’il nous restait 3 ans. En effet, l’organisation nous donne jusqu’en 2025, pour atteindre un pic dans les émissions de gaz à effet de serre avant de les réduire de 43 % d’ici 2030 afin de respecter l’objectif d’une hausse moyenne de 1,5 °C. Pour rappel, Emmanuel Macron souhaite que la France soit “la première grande nation à atteindre la neutralité carbone”.

Pour la représentante du Rassemblement National, aucun objectif précis n’est fixé ; Marine Le Pen souhaitant adapter ces mesures en fonction du temps. Cependant, elle souligne que cette réduction carbone passera par le recours à l’énergie nucléaire, l’hydroélectricité et l’hydrogène tout en souhaitant un moratoire sur l’éolien et le solaire, qu’elle abhorre.

Passoires thermiques : des promesses et quoi d’autres ?

Il faut d’abord savoir que tout logement affichant une consommation d’énergie supérieure à 450 kilowatts-heure par mètre carré et par an est considéré comme une passoire thermique (5 à 8 millions en France). À compter de 2023, il ne sera plus possible de les louer dans cet état constituant un sujet majeur dans le programme des candidats.

Au cours de son mandat, le président sortant s’était engagé à viser “la rénovation de la moitié des logements passoires des propriétaires les plus modestes dès 2022”. Emmanuel Macron lui-même a reconnu courant mars 2022 ne pas avoir tenu sa promesse. S’il est réélu, il promet alors “700 000 logements par an rénovés” au cours de son nouveau quinquennat. Un chiffre insuffisant, selon l’association Réseau Action Climat.

La candidate RN compte, quant à elle, utiliser les 25 milliards d’euros récupérés dans les projets d’éoliennes en mer. L’objectif étant de subventionner notamment le remplacement des chaudières au fioul. Elle souhaite aussi la création d’un produit d’épargne nommé “logement vert” permettant de financer la rénovation d’un bien après son acquisition.

Un sujet pas assez décisif ?

Lors du débat d’entre deux tours, Emmanuel Macron a accusé Marine Le Pen d’être « climatosceptique », et elle lui a rétorqué aussitôt : « Vous êtes climato-hypocrite monsieur Macron. » Mais quoi qu’il en soit, il ne s’agit hélas pas d’un sujet qui joue un rôle extrêmement important dans la campagne. Cela s’explique, sans doute, par des raisons bien différentes : une actualité en Ukraine étouffante pour la campagne, une couverture médiatique pas assez significative et un aspect peu ou prou évoqué dans les interventions des candidats. L’environnement et l’écologie n’ont donc été le critère décisif du vote que pour 7 % des électeurs dimanche dernier, selon un sondage Elabe. Loin, très loin derrière le pouvoir d’achat (37 %) mais aussi la sécurité, la santé, les retraites, l’immigration. Fin du mois et fin du monde même combat ? Dans l’isoloir, la démarquation semble notable.